Séminaire AGS – printemps 2023
Lundi 27 février (en collaboration avec le REPI et Afric@ULB)
Le genre de la lutte. Une autre histoire du Mali contemporain (1956-1991)
Ophélie Rillon (CNRS/ Sciences PO Bordeaux)
(17-19h, salle Henri Janne, bâtiment S 15ème étage)
Résumé: De la décolonisation en 1960 à la révolution de mars 1991, quatre décennies de luttes sociales et politiques ont façonné l’histoire non consensuelle du Mali. Paru en 2022 aux Editions de l’ENS, le livre « Le genre de la lutte » raconte une histoire mixte, celle des combats multiples menés par les femmes et les hommes de ce pays qui, en dépit de la répression, se sont révoltés, insurgés et mobilisés contre l’ordre établi. Située à la croisée de l’histoire du genre et de la sociologie des mouvements sociaux, cette recherche analyse les dynamiques sexuées qui imprègnent les formes de l’action collective et la manière dont l’engagement contribue à modifier les rapports de genre dans le Mali contemporain. L’intervention reviendra sur la genèse de l’ouvrage et l’enquête qui l’a nourri. Elle montrera comment de l’écriture d’une histoire des femmes en mouvement, l’auteure s’est progressivement intéressée au « genre de la lutte » incluant un questionnement sur les masculinités militantes.
Biographie: Ophélie Rillon est chercheuse au CNRS et membre de l'Institut des mondes africains (Paris). Ses travaux portent sur l’étude du politique et du militantisme appréhendés sous l’angle du genre, des trajectoires biographiques et de l’intime (Mali, Burkina).
Mercredi 29 mars (collaboration avec la MSH)
La nature des inégalités : savoirs, interventions, et engagements. Réflexions à partir d’une anthropologie féministe de la santé
Nolwenn Bühler (Université de Lausanne, professeure invitée MSH)
(17-19h, salle Henri Janne, bâtiment S 15ème étage)
Résumé: Crises sanitaire, environnementale, économique. La période que nous vivons actuellement semble saturée par « la crise » à la fois comme phénomène construit, expérience et « fait social total […] révélateur [jetant] une lumière crue sur des phénomènes qui lui préexistaient » (Baxerres, Dussy, and Musso 2021:2). En mettant à l’épreuve les sociétés et en accroissant les inégalités, elles fournissent ainsi une opportunité pour non seulement rendre compte de ces dernières, mais aussi les penser – comprendre leurs origines, leur imbrication, leur reproduction ou leurs échelles – et chercher à développer des interventions permettant de les diminuer. En insistant sur leur nature sociale et politique, tant l’anthropologie médicale que les études genre ont fait des inégalités un objet d’étude et d’engagement. En partant de cette riche tradition disciplinaire et de matériel empirique tirés de différents terrains de recherche explorant les mondes de la santé en Suisse (pandémie de covid 19, recherche en santé publique étudiant les liens entre santé et environnement, médecine reproductive), ma présentation propose d’éclairer dans un premier temps les enjeux soulevés par les différentes compréhensions des inégalités mobilisées pour produire du savoir sur le « social » (Adams et al. 2019) dans le cadre de projets spécifiques. Je montrerai comment elles s’articulent aux interventions médicales et sanitaires imaginées et développées dans ce cadre. Je focaliserai ensuite sur la question de l’engagement des sciences sociales dans de tels projets, sur les défis qu’il pose, ainsi que sur les formes de co-laboration (Niewöhner 2016) et de critique rendues possibles en fonction des contextes institutionnels et disciplinaires.
Biographie: Au bénéfice d’une première formations en soins infirmiers, Nolwenn Bühler est docteure en anthropologie, spécialiste des questions de biomédecine et de santé publique, ainsi qu’en études genre. Elle travaille comme chercheuse senior à l’Université de Lausanne et est responsable de recherche à Unisanté, Centre Universitaire de Médecine Générale et Santé Publique à Lausanne. Ses recherches portent sur les reconfigurations contemporaines de la recherche en santé publique, les inégalités en matière de santé et les notions d’exposition environnementale et virale.
Mercredi 19 avril (en collaboration avec la Chaire Suzanne Tassier-Charlier et STRIGES dans le cadre de l’année ULB sur la liberté académique)
Table-ronde « L’investissement réactionnaire des savoirs : une menace pour la liberté académique ? »
Avec Éric Fassin (Université Paris 8), Eve Gianoncelli (University of Loughborough), Simon Massei (Université Paris-Est Créteil), Michelle Zancarini-Fournel (Université Claude Bernard-Lyon
(18-20h, salle B1.315)
Résumé : Souvent, la notion de liberté académique vise à protéger la liberté et l’autonomie des chercheur·ses face à l’action de l’État et d’autres acteurs institutionnels considérés comme particulièrement puissants, comme les Églises ou les multinationales. Indissociablement liée à l’exercice des libertés démocratiques, elle sert à la fois d’indice de qualité de la démocratie et de rempart contre la montée des autoritarismes et des fondamentalismes. Toutefois, elle procède souvent d’un réflexe défensif qui sert à dénoncer et se défendre contre des attaques. Elle tend à mettre l’accent sur ce qui est menacé, en train d’être détruit ou démantelé, oubliant que les attaques contre la liberté académique procèdent aussi de l’engagement positif d’un certain nombre d’acteurs, qui visent à changer la manière dont les savoirs sont construits et le contenu de ceux-ci. S’appuyant sur une vision libérale de la démocratie qui a longtemps fait l’objet d’un large consensus, la notion de liberté académique repose la plupart du temps sur une vision relativement neutre des savoirs, qui évacue la nature intrinsèquement politique de ceux-ci et les valeurs qui inspirent leur production.
Cette table-ronde souhaite remettre ces questions au cœur du débat et enrichir ainsi la réflexion sur la liberté académique menée cette année à l’ULB, une institution qui se caractérise notamment par un ensemble de valeurs spécifiques. Elle posera la question de la nature politique des savoirs et s’intéressera à la manière dont divers acteurs réactionnaires tentent aujourd’hui de s’emparer de ceux-ci dans le cadre de la poursuite de divers projets politiques. Elle partira de l’exemple des études de genre pour poser des questions plus fondamentales qui se posent tout autant dans d’autres champs du savoir, telles que les études critiques de la « race » ou les questions religieuses.
Biographies :
Éric Fassin est professeur de sociologie au département d’Études de genre et au département de Science politique, Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Il est chercheur au Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS, UMR 8238 : CNRS – Paris 8 – Paris Nanterre), et depuis 2021, membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF). Il a enseigné plusieurs années en Angleterre (Londres, Cambridge) et aux États-Unis (en particulier à New York University). Il est régulièrement professeur invité dans de nombreuses universités (aux États-Unis, en Suisse, en Amérique latine, etc.). Il travaille scientifiquement et s’engage publiquement sur les questions minoritaires, sexuelles et raciales et leurs articulations, sur leur politisation dans les sociétés démocratiques et les enjeux autour de leurs représentations, politiques, littéraires et artistiques, sur les politiques d’immigration et d’identité nationale et sur les « populismes ». Il est régulièrement cité comme témoin dans des procès qui touchent à la question raciale. Il tient un blog sur Mediapart et publie régulièrement des tribunes d’intervention dans divers médias. Il a notamment publié ou codirigé De la question sociale à la question raciale (2006), Le sexe politique (2009), Démocratie précaire (2012), Roms & riverains : une politique municipale de la race (2014), Gauche : l’avenir d’une désillusion (2014), Discutir Houellebecq. Cinco ensayos críticos entre Buenos Aires y París (2015), Populisme : le grand ressentiment (2017). Il a réédité et postfacé Herculine Barbin, dite Alexina B. (2014, 2021) et il a récemment co-édité deux entretiens inédits d’Abdelmalek Sayad, Femmes en rupture de ban (2021). Deux ouvrages sont à paraitre : La savante et le politique (2023, avec Caroline Ibos), The State of Anti-Intellectualism (2023). Par ailleurs, il a codirigé plusieurs numéros de revue, dont « Les langages de l’intersectionnalité », Raisons politiques (2015) ; « Transatlantic Crossings », differences (2016, avec Anne E. Berger) ; « Représentation et non-représentation des Roms en Espagne et en France », Sociétés et représentations (2018, avec Marta Segarra).
Eve Gianoncelli est University Teacher in Politics and International Relations à l’Université de Loughborough et chercheuse invitée à la Maison française d’Oxford. Elle fut Deakin Fellow à St. Antony’s, université d’Oxford. Ses recherches se situent au croisement de l’histoire de la pensée et des idéologies politiques, de l’histoire intellectuelle et des études de genre. Sa recherche actuelle porte sur les reconfigurations du conservatisme du point de vue du genre et des rapports de pouvoir, dans une perspective comparative et transnationale entre la France, l’Italie, l’Angleterre et les États-Unis. Elle travaille également à la publication des derniers inédits de Paulette Nardal et de Claude Cahun qu’elle a étudiées dans sa thèse de doctorat. Elle a préfacé, avec François Leperlier les premiers écrits de cette dernière, parus sous le titre Il y a mode et mode (2022). Parmi ses publications récentes, on peut également citer « Anti-feminist Conservative Women Intellectuals and the Rhetoric of Reaction », The Political Quarterly (2021), « The unification of the ‘New Right’ ? On Europe, identity politics and reactionary ideologies’ », New Perspectives (2021). Le livre issu de sa thèse Le genre de la pensée. Figures du devenir intellectuelle au XXe siècle est à paraître aux PUR (coll « archives du féminisme).
Simon Massei est docteur en science politique et postdoctorant à l’Université Paris-Est Créteil (LIRTES-Parsie). Sa thèse de doctorat portait sur les politiques d'éducation à l’égalité entre les sexes en France et sur les mobilisations conservatrices qu’elles ont suscitées dans différentes régions de l’espace social au milieu des années 2010. Il a notamment enquêté sur deux mouvements opposés à l’enseignement de la « théorie du genre » à l’école, apparus dans le sillon de la Manif pour tous. Après avoir contribué au projet « Héritages coloniaux en Belgique » (HERICOL) coordonné par Abdellali Hajjat à l'ULB, il travaille désormais sur l'expression enfantine des rapports sociaux de race.
Michelle Zancarini-Fournel est professeure émérite en histoire des femmes et du genre à l’Université Claude Bernard-Lyon 1 et membre du laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) Axe Genre et Sociétés. Elle a soutenu un doctorat en 1988 à l’Université Lyon 2, Parcours de femmes. Réalités et représentations (1880-1950), et une habilitation à diriger des recherches en 1999 à l’Université Paris 1-Sorbonne, Histoire sociale des contestations des années 1968 (1962-1981). Elle est co-fondatrice et co-directrice (1995-2010) de la revue CLIO Femmes Genre Histoire et membre actuelle du comité de rédaction. Ses publications récentes comprennent les livres Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours (2016), De la défense des savoirs critiques (2022, avec Claude Gautier), « Ne nous libérez pas, on s’en charge !» Histoire des féminismes de 1789 à nos jours (2020, avec Bibia Pavard et Florence Rochefort) et les numéros thématiques « À l’intersection des dominations », 20 & 21. Revue d’histoire (2020, avec Fanny Gallot), « Le genre dans les mondes caribéens », CLIO Femmes Genre Histoire (2019, avec Clara Palmiste). Elle aussi coordonné le Rapport à la ministre des Outre-mer sur les événements traumatiques des Antilles (1959, 1962, 1967) (2016).
Thursday 27 April (in collaboration with SOCIAMM)
Yes means yes? Understanding consent in cases of abduction (15th c. Brabant & Flanders)
Chanelle Delameillieure (KUL)
(4-6 pm, Rokkan Room, S building, 15th floor)
Abstract : From the twelfth century onwards, canon law required active consent to contract a marriage. However, historians still don't fully understand the impact of that legal emphasis on consent in society. How die medieval people interpret consent and how should we understand this medieval notion of consent today? To answer these questions, I will examine the consent of women who were abducted for the purpose of marriage in the late medieval Low Countries. This is a challenging task as the term ‘abduction’ (schaeck in Middle Dutch) was used to describe both violent abduction/rape and consensual elopement. Moreover, MeToo has added another layer of complexity, as it has introduced issues barely considered before by historians in discussions on consent. By analysing legal narratives in fifteenth-century secular and ecclesiastical courts, I aim to show that medieval people were aware of consent’s complexity and understood it in a remarkably sophisticated manner.
Biography : Chanelle Delameillieure works as a guest lecturer at the Research Group of Medieval History at KU Leuven. Her research concerns medieval family and gender history and the social history of law and justice in the late medieval Low Countries. Chanelle is the author of a science-popularizing book on women’s lives in late medieval cities. Her first monograph will appear soon with Amsterdam University Press.
Wednesday 10 May
Changing intersex medicine: How to develop a model of care which is ethically consistent and non-ethnocentric
Cynthia Kraus (Université de Lausanne, professeure invitée MSH)
(5-7 pm, Henri Janne Room, S building, 15th floor)
Abstract: My lecture will discuss original material I collected over the last two decades through first-hand experience as a social and human scientific (SHS) researcher involved in two specific contexts: First, in Lausanne, Switzerland, where we launched an SHS and gender in medicine initiative in 2005 to develop a model of care centered on the child’s fundamental rights to bodily integrity, self determination and genital autonomy through long-term collaborations between medical and SHS experts, intersex activists and the persons concerned, which made it possible for our team working at the University Hospital CHUV and teaching at the Medical School of the University of Lausanne, to overcome—from below—the lack of ethical guidelines in our country until 2012. The second context is a medical cooperation project in West Africa, in which I conducted fieldwork through observant participation, accompanying in 2010 and 2011 (so far) a team of pediatric surgeons from a European university hospital collaborating with a renowned NGO to give them feedback on how they worked in the Global South. Such fieldwork presented the further advantage of making it possible to consider intersex care globally to reflect critically on the Northern paradigm of evidence-based medicine as practiced by these surgeons in a postcolonial and resource-poor setting. Based on these field experiences, both as a researcher and an actor of change, and on the expert literature on the topic, I will argue that a model of care for persons with a VSD which would be consent-centered (rather than patient-centered), scientifically grounded and medically reasonable, developed from below and ethically symmetrical, i.e., globally consistent instead of Northern-centric, is not only desirable and needed: it is possible now. What are the facts, theoretical tools, as well as the ontological and normative commitments in support of such an argument and real-life possibility? will be the matter of my presentation.
Biography : Philosophe des sciences, Cynthia Kraus est Maîtresse d’enseignement et de recherche en études genre et STS à l’Université de Lausanne (UNIL). Elle est « spécialisée » dans les collaborations interdisciplinaires et la construction de ponts entre sciences et cité. Elle collabore depuis plus de 25 ans avec des (neuro-)biologistes, des professionnel.x.les de la santé, ainsi que des personnes, associations et minorités politiques concernées par des questions de sexe, genre et sexualité dans divers contextes Nord-Sud. Elle est l’une des fondatrices de « l’Ecole de Lausanne » qui réunit une vingtaine de spécialistes des sciences biomédicales et des SHS dans le cadre d’une équipe enseignante (école de médecine, UNIL) et hospitalière (CHUV) pour améliorer les pratiques de soin pour les personnes intersexuées en Suisse. Elle travaille également sur les questions trans, la sexologie, les mutilations génitales féminines et les sciences du cerveau dans le cadre de différents projets FNS, partenariats et réseaux internationaux.
Tuesday 23 May
Asia’s Population Bomb: Contraception, Catholicism and Culture War at the UN, 1945-1965
Wannes Dupont (University of Edinburgh, professeur invité MSH)
(5-7pm, salle Henri Janne, S building, 15th floor)
Abstract: In the wake of war, Asian mortality rates plummeted and population growth soared. Modernisation theory and Cold War calculus prompted pressure on the newly created United Nations to embrace birth control programmes. In response, the Vatican successfully rallied Catholic governments to block such initiatives. This talk traces the history of the first major battle in a still-raging global culture war, the memory of which often does not stretch further back than the Cairo conference of 1994.
Biography : Wannes Dupont is Lecturer in the History of Sexuality at the University of Edinburgh. He previously held positions at Yale-NUS College and Utrecht University and fellowships at Yale University, Australian National University and the University of Antwerp. His work, publications, and teaching primarily concern the European and global history of sexuality, reproductive politics, and the intersections of biopolitics and religion.
Contact et inscriptions : ags@ulb.be